SOS - State of Studios
Emma Poupy (Studio Indice)
In conversation with
Ross Gendels (Base Design)
Design with meaning
vs Design with feeling
SOS - State of Studios
Emma Poupy (Studio Indice)
In conversation with
Ross Gendels (Base Design)
Design with meaning
vs Design with feeling
Part 1, pensées nocturnes
Il est tard, et je repense à ma rencontre avec l’équipe de Base Design aujourd’hui à New York. On parlait de ce qui fait un bon projet. On était tous d’accord : au studio, un bon design, c’est un concept fort. C’est ce qui dépasse les tendances, ce qui donne une valeur durable.
Et puis on a parlé de ces moments où l’on crée juste pour le beau. On ne l’a pas dit clairement, mais on l’a pensé : ce beau-là avait une place à part. Plus intime, presque secondaire, comme si ça comptait moins.
Et pourtant, ce soir je tombe sur un article qui dit :
“Être émotionnellement réactif est la clé pour créer des œuvres inspirantes. “
Et là, je comprends.
Ce beau qu’on croyait gratuit, il n’est pas vide. Il transporte quelque chose de plus diffus mais tout aussi puissant : une émotion. Et l’émotion, elle, n’a rien de secondaire. Elle bouleverse, elle résonne, elle relie. Elle aussi, c’est une manière de donner du sens.
Il y a même des projets où l’émotion devient le concept. Où l’idée centrale n’est pas un message rationnel, mais une sensation à faire vivre. Et ces projets-là me rappellent pourquoi je fais ce métier : parce qu’un design peut toucher autant par ce qu’il dit que par ce qu’il fait ressentir.
Au studio, on travaille le concept. Dans nos marges, on explore l’émotion.
Et parfois, les deux se rejoignent.
Design with meaning meets design with feeling.
Part 1, nocturnal toughts
It’s late, and I keep thinking about my meeting with the Base Design team today in New York. We talked about what makes a good project. We all agreed: in the studio, good design starts with a strong concept. Something that goes beyond trends, something that gives lasting value.
And then we spoke about those moments when we create just for beauty. We didn’t say it outright, but we all thought it: that kind of beauty had its own place. More intimate, almost secondary, as if it mattered less.
But tonight I came across an article that said:
“I believe that being emotionally responsive is the key to creating inspiring artworks.”
And suddenly it clicked.
This beauty we thought was “gratuitous” isn’t empty at all. It carries something less tangible but just as powerful: emotion. And emotion is anything but secondary. It moves, it resonates, it connects. It’s also a way of giving meaning.
There are even projects where emotion is the concept. Where the central idea isn’t a rational message, but a feeling to be shared. And those projects remind me why I do this job in the first place: because design can speak as much through what it makes us think as through what it makes us feel.
In the studio, we build meaning through concepts. In our own time, we explore emotion.
And sometimes, the two meet.
Design with meaning meets design with feeling.
"En tant que designers,
on a le pouvoir de faire ressentir
des choses."
Ross
As designers we have the power to make people “feel”
Part 2, en dialogue avec Ross Gendels
En repensant à tout ça, j’ai eu envie d’ouvrir la discussion et de revenir vers Ross, de Base Design.
Pour toi, l’émotion en design, c’est secondaire, complémentaire, ou vraiment central ?
As-tu déjà mené un projet où l’émotion était clairement le point de départ ?
(ROSS) Je pense que l’émotion est au centre du design. En tant que designers, on a le pouvoir de faire ressentir des choses. Chaque élément communique quelque chose, même si ce “quelque chose” est le vide. On compose en anticipating des réponses émotionnelles, des vibes. On convoque des sensations à partir de l’alchimie entre les éléments. Pour la marque de matcha “12”, par exemple, on voulait transmettre un sentiment de vitalité, du nom jusqu’à l’intérieur des boutiques. Cette sensation était l’une des idées centrales qui portaient le projet.
Part 2, in conversation with Ross Gendels
Sitting with this reflection, I felt the need to open the discussion and go back to Ross at Base Design.
Do you see emotion as accessory, complementary, or central in design? Have you ever worked on a project where emotion was truly at the core of the idea?
(ROSS) I believe emotion is at the center of design, and I think as designers we have the power to make people “feel”. Every element communicates something, even if that something is nothing. We compose in anticipation of emotional responses and vibes. We conjure feelings from the alchemy and blending of elements. For the matcha brand “12” we communicated the feeling of vitality in everything we did - from the stores interior, to the name. This feeling was one of our core ideas pushing the brand forward.
On associe souvent l’émotion à la beauté, comme si elle servait surtout à ça. Mais j’ai l’impression qu’elle existe aussi ailleurs, dans quelque chose de plus troublant, de dérangeant, de moins “sage”. L’émotion a-t-elle une valeur au-delà du “beau” ?
(R) Oui, à 100%. Je suis bien plus intéressé par ces émotions complexes que par le “joli” ou le “gentil” attendu.
Quand tu crées en dehors du cadre client, est-ce que l’émotion prend automatiquement plus de place ?
(R) Quand je fais quelque chose pour moi, je laisse mon émotion prendre beaucoup plus de place dans le processus. Pour un client, je suis en général hyper empathique à ses objectifs, ses émotions, etc. Pour moi seul, je peux laisser aller, improviser, suivre ce que je ressens.
Est-ce que tu as un projet “gratuit”, fait juste pour le plaisir ou pour le beau, qui t'accompagne encore aujourd’hui ?
(R) Oui ! Je suis un grand fan de littérature spéculative, en gros de science-fiction et de fantasy. J’ai essayé de mélanger cette passion avec celle du design. Ça a donné https://read.quest Je l’ai créé comme quelque chose que moi-même j’aurais envie de lire et j’ai eu la surprise de voir que ça parlait aussi à d’autres. Ce qui était un projet pour moi va sûrement devenir quelque chose de plus grand.
Au fond, est-ce que tous les projets ne transmettent pas une émotion, volontairement ou non ?
(R) Totalement. C’est impossible d’y échapper. En tant qu’humains, on juge ce qu’on voit… et ce jugement devient une émotion, consciente ou non.
Comment tu vois la relation entre “meaning” et “feeling” ? Deux pôles séparés, ou quelque chose de plus entremêlé, comme la forme et le fond ?
(R) Pour moi, l’émotion est temporaire, liée au moment, tandis que le sens a plus de durée et de profondeur. Ils sont liés, l’un peut nourrir l’autre, dans n’importe quel ordre. Tu peux ressentir quelque chose qui crée du sens… ou te rappeler un moment plein de sens et ressentir quelque chose.
We often associate emotion with beauty, as if that were its primary purpose. But I feel like it also lives somewhere else, in something more unsettling, more disruptive, less “well-behaved”.
Does emotion have a value beyond what we call “beauty”?
(R) Yes 100%. I am more interested in creating and conjuring those complex emotions than the expected “nice” and beautiful.
When you create outside of client work, does emotion take up more space?
(R) When I am doing something for myself I let MY emotion take up much more space in the process. When working for someone I am usually hyper empathetic to their goals, emotions, etc. When it’s just for me I can freestyle and riff to let myself go where I feel like going.
Do you have a “gratuitous” project, done purely for beauty or for pleasure, that has stayed with you?
(R) Yeah! I am a big fan of speculative literature which is a fancy way of saying I love science fiction and fantasy. I have been exploring how this passion can mix with my other passion of design. The result was https://read.quest. Which was made as something I would want to read, and I have had the pleasure of learning others share the same interest. So something I created for myself actually resonates with others and will most likely evolve into something bigger than myself.
In the end, don’t all projects convey some kind of emotion, whether intentional or not?
(R) Yes! It’s impossible to avoid. As humans we judge what we see… and that judgment translates into emotion… whether conscious or not.
How do you see the relationship between ‘meaning’ and ‘feeling’? Are they separate poles, or are they more entangled like form and content feeding into one another?
(R) To me feeling is temporary or temporal and meaning has more longevity and depth. They are related in the sense that one can inform the other - in any order. You could feel something which builds meaning … or you could remember a moment that had meaning and feel something.
"When I am doing something
for myself I let my emotion take up
much more space in the process"
Ross
Quand je fais quelque chose pour moi,
je laisse mon émotion prendre beaucoup plus de place dans le processus.
Quest, by Ross Gendels
Part 3, l'identité Hors Sol, néé d'une sensation
Cette réflexion fait écho jusque dans un projet qu’on vient de finaliser au studio : Hors Sol. Un collectif culturel et musical qu’on aime profondément, et avec qui on travaille depuis plusieurs mois sur la refonte de leur identité. C’est un de ces projets où design with meanings rencontre design with feelings.
Dès le départ, il n’était pas question de seulement “faire passer un message”, mais de faire exister une sensation. Traduire un univers qui vit dans la musique, la lumière, les corps, la vibration.
Ce n’est pas un branding qui s’explique uniquement par un concept, c’est un concept qui s’est construit à partir d’une sensation : bloom.
Une émotion traduite en forme, en mouvement, en matière. Ici, meaning et feeling ne s’opposent pas. L’un structure, l’autre fait vibrer.
C’est peut-être ça, le design que je préfère : celui qui pense juste assez pour ressentir, et ressent juste assez pour penser.
Et pour Hors-Sol, celui qui vibre, qui relie, qui respire… à l’image de ceux qui le regardent, le vivent, ou dansent dessus.
Part 3, Hors Sol identity, born from a feeling
This reflection echoes into a project we’ve just wrapped at the studio: Hors Sol. A cultural and musical collective we care about deeply, and with whom we’ve been working for several months on the overhaul of their identity. It’s one of those projects where design with meaning meets design with feeling.
From the very beginning, it wasn’t only about “delivering a message”, but about making a sensation exist. Translating a universe that lives through music, light, bodies, vibration.
It’s not a branding that can be explained only through a concept - it’s a concept that emerged from a feeling: bloom.
An emotion translated into form, movement, material. Here, meaning and feeling don’t stand opposite one another. One gives structure, the other gives resonance.
Maybe that’s the design I love most: the one that thinks just enough to feel, and feels just enough to think.
And for Hors Sol, the one that vibrates, connects, breathes… like the people who watch it, live it, or dance to it.
SOS - State of Studios
Emma Poupy (Studio Indice)
In conversation with
Ross Gendels (Base Design)
Design with meaning
vs Design with feeling
English Version
Part 1, pensées nocturnes
Il est tard, et je repense à ma rencontre avec l’équipe de Base Design aujourd’hui à New York. On parlait de ce qui fait un bon projet. On était tous d’accord : au studio, un bon design, c’est un concept fort. C’est ce qui dépasse les tendances, ce qui donne une valeur durable.
Et puis on a parlé de ces moments où l’on crée juste pour le beau. On ne l’a pas dit clairement, mais on l’a pensé : ce beau-là avait une place à part. Plus intime, presque secondaire, comme si ça comptait moins.
Et pourtant, ce soir je tombe sur un article qui dit :
“Être émotionnellement réactif est la clé pour créer des œuvres inspirantes. “
Et là, je comprends.
Ce beau qu’on croyait gratuit, il n’est pas vide. Il transporte quelque chose de plus diffus mais tout aussi puissant : une émotion. Et l’émotion, elle, n’a rien de secondaire. Elle bouleverse, elle résonne, elle relie. Elle aussi, c’est une manière de donner du sens.
Il y a même des projets où l’émotion devient le concept. Où l’idée centrale n’est pas un message rationnel, mais une sensation à faire vivre. Et ces projets-là me rappellent pourquoi je fais ce métier : parce qu’un design peut toucher autant par ce qu’il dit que par ce qu’il fait ressentir.
Au studio, on travaille le concept. Dans nos marges, on explore l’émotion.
Et parfois, les deux se rejoignent.
Design with meaning meets design with feeling.
"En tant que designers,
on a le pouvoir de faire ressentir
des choses."
Ross
Part 2, en dialogue avec Ross Gendels
En repensant à tout ça, j’ai eu envie d’ouvrir la discussion et de revenir vers Ross, de Base Design.
Pour toi, l’émotion en design, c’est secondaire, complémentaire, ou vraiment central ?
As-tu déjà mené un projet où l’émotion était clairement le point de départ ?
(ROSS) Je pense que l’émotion est au centre du design. En tant que designers, on a le pouvoir de faire ressentir des choses. Chaque élément communique quelque chose, même si ce “quelque chose” est le vide. On compose en anticipating des réponses émotionnelles, des vibes. On convoque des sensations à partir de l’alchimie entre les éléments. Pour la marque de matcha “12”, par exemple, on voulait transmettre un sentiment de vitalité, du nom jusqu’à l’intérieur des boutiques. Cette sensation était l’une des idées centrales qui portaient le projet.
On associe souvent l’émotion à la beauté, comme si elle servait surtout à ça. Mais j’ai l’impression qu’elle existe aussi ailleurs, dans quelque chose de plus troublant, de dérangeant, de moins “sage”. L’émotion a-t-elle une valeur au-delà du “beau” ?
(R) Oui, à 100%. Je suis bien plus intéressé par ces émotions complexes que par le “joli” ou le “gentil” attendu.
Quand tu crées en dehors du cadre client, est-ce que l’émotion prend automatiquement plus de place ?
(R) Quand je fais quelque chose pour moi, je laisse mon émotion prendre beaucoup plus de place dans le processus. Pour un client, je suis en général hyper empathique à ses objectifs, ses émotions, etc. Pour moi seul, je peux laisser aller, improviser, suivre ce que je ressens.
Est-ce que tu as un projet “gratuit”, fait juste pour le plaisir ou pour le beau, qui t'accompagne encore aujourd’hui ?
(R) Oui ! Je suis un grand fan de littérature spéculative, en gros de science-fiction et de fantasy. J’ai essayé de mélanger cette passion avec celle du design. Ça a donné https://read.quest Je l’ai créé comme quelque chose que moi-même j’aurais envie de lire et j’ai eu la surprise de voir que ça parlait aussi à d’autres. Ce qui était un projet pour moi va sûrement devenir quelque chose de plus grand.
Au fond, est-ce que tous les projets ne transmettent pas une émotion, volontairement ou non ?
(R) Totalement. C’est impossible d’y échapper. En tant qu’humains, on juge ce qu’on voit… et ce jugement devient une émotion, consciente ou non.
Comment tu vois la relation entre “meaning” et “feeling” ? Deux pôles séparés, ou quelque chose de plus entremêlé, comme la forme et le fond ?
(R) Pour moi, l’émotion est temporaire, liée au moment, tandis que le sens a plus de durée et de profondeur. Ils sont liés, l’un peut nourrir l’autre, dans n’importe quel ordre. Tu peux ressentir quelque chose qui crée du sens… ou te rappeler un moment plein de sens et ressentir quelque chose.
"Quand je fais
quelque chose pour moi,
je laisse mon émotion
prendre beaucoup plus
de place dans le processus."
Ross
Quest, by Ross Gendels
Part 3, l'identité Hors Sol, néé d'une sensation
Cette réflexion fait écho jusque dans un projet qu’on vient de finaliser au studio : Hors Sol. Un collectif culturel et musical qu’on aime profondément, et avec qui on travaille depuis plusieurs mois sur la refonte de leur identité. C’est un de ces projets où design with meanings rencontre design with feelings.
Dès le départ, il n’était pas question de seulement “faire passer un message”, mais de faire exister une sensation. Traduire un univers qui vit dans la musique, la lumière, les corps, la vibration.
Ce n’est pas un branding qui s’explique uniquement par un concept, c’est un concept qui s’est construit à partir d’une sensation : bloom.
Une émotion traduite en forme, en mouvement, en matière. Ici, meaning et feeling ne s’opposent pas. L’un structure, l’autre fait vibrer.
C’est peut-être ça, le design que je préfère : celui qui pense juste assez pour ressentir, et ressent juste assez pour penser.
Et pour Hors-Sol, celui qui vibre, qui relie, qui respire… à l’image de ceux qui le regardent, le vivent, ou dansent dessus.













