March 11, 2024
The Anonymous Project à la Samaritaine
pour "Paris-Venise en tête à tête"
March 11, 2024
The Anonymous Project à la Samaritaine pour "Paris-Venise en tête à tête"
Text written by
© Marine Aubenas
La Samaritaine Paris
7 février - 23 avril 2024
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Elles ornent les murs, habillent les portes des ascenseurs, s’invitent dans des installations monumentales au rez-de-chaussée ; voici qu’à l’occasion de la campagne « Paris Venise en tête-à-tête », des photographies d’anonymes s’installent à la Samaritaine, avant de s’envoler pour la Biennale. Ces photographies ce sont celles d’hommes et de femmes, ayant vécu dans les années soixante-dix. Ni lieu, ni date, ni nom ne sont précisés… c’est à nous visiteurs d’observer et d’imaginer plus amplement ces moments de vies passées.
« Je suis où ? » Un homme déambule activement dans l’exposition. Il regarde chaque tirage et se cherche. Son regard scrute la salle et se pose sur les photographies qui ornent les murs - natures mortes, portraits, plans serrés… Enfin, il se trouve. Heureux. Il montre du doigt. « Je suis là ».
Il est là car il est l’un de ceux qui s’entrainent au Bercy Street Workout, le terrain de sport du parc de Bercy dans le 12ème arrondissement de Paris que Marine Peixoto a photographié trois ans durant.
Imaginer. C’est cela qui anime Lee Shulman, de développer « l’expérience interprétative du spectateur ». De nationalité britannique, réalisateur de films il est aussi l’heureux fondateur et directeur de cette collection inédite, intitulée The Anonymous Project.
Une période d’obsession et de profusion pour cette artiste qui a réalisé plus de 5 000 clichés de ce lieu et de ceux qui le pratiquent. Parmi cette abondance d’images, plus de 150 ont été choisies pour l’exposition. Celle-ci se tient au Bal, qui a activement soutenu ce projet en lui attribuant le prix de la Jeune Création le Bal/ADAGP en 2021, et qui dévoile ce travail au long court, du 7 mars au 19 mai.
“L’essentiel dans l’art,
c’est de faire ressentir
des émotions.”
“L’essentiel dans l’art,
c’est de faire ressentir
des émotions.”
Comme il l’explique lui-même : « Tout a commencé quand mes parents m’ont donné une boîte de vieilles pellicules de photos de famille qu’ils n’avaient pas fait tirer. Cela a éveillé chez moi un intérêt pour ces images oubliées, et je me suis mis à en acheter aléatoirement et frénétiquement sur eBay. » C’était il y a sept ans, et depuis, par ses acquisitions et les dons qui ont crûs au rythme de la popularité du projet, il a réussi à rassembler plus de 70 000 diapositives couleur. Une collection qui a sauvé « ces fragments d’histoire de l’obscurité où ils étaient consignés et de la tyrannie de la projection de diapositives » et leur a permis d’avoir une nouvelle destinée. Et pas n’importe laquelle ! Les voici aujourd’hui développés et exposés aux yeux de tous dans ce lieu parisien mythique, symbole de transmission, d’histoire, de réhabilitation… autant d’aspects qui fait écho à la philosophie de The Anonymous Project.
Comme il l’explique lui-même : « Tout a commencé quand mes parents m’ont donné une boîte de vieilles pellicules de photos de famille qu’ils n’avaient pas fait tirer. Cela a éveillé chez moi un intérêt pour ces images oubliées, et je me suis mis à en acheter aléatoirement et frénétiquement sur eBay. » C’était il y a sept ans, et depuis, par ses acquisitions et les dons qui ont crûs au rythme de la popularité du projet, il a réussi à rassembler plus de 70 000 diapositives couleur. Une collection qui a sauvé « ces fragments d’histoire de l’obscurité où ils étaient consignés et de la tyrannie de la projection de diapositives » et leur a permis d’avoir une nouvelle destinée. Et pas n’importe laquelle ! Les voici aujourd’hui développés et exposés aux yeux de tous dans ce lieu parisien mythique, symbole de transmission, d’histoire, de réhabilitation… autant d’aspects qui fait écho à la philosophie de The Anonymous Project.
“C’est un des miracles constants de la
photographie que ces images, captation
d’une fraction de seconde, illuminent
encore collectivement des millions de vie.”
“C’est un des miracles constants
de la photographie que ces images, captation d’une fraction de seconde, illuminent encore collectivement
des millions de vie.”
Des vitrines, aux escaliers jusqu’aux portes d’ascenseurs, ce sont de nombreuses scènes d’antan que peuvent revivre curieux et visiteurs. Au quatrième étage ; des amis dansent la chenille, au troisième, on observe un couple grandeur nature qui prend le soleil sur des transats, au deuxième des enfants à leur anniversaire, au premier, on croise deux femmes qui posent en superbes tenues de soirée d’été. Ce sont aussi deux installations d’envergure animent le au rez-de-chaussée ; une cascade réalisée avec un collage de plus de 400 photographies, et à quelques pas, des totems géants composés de 2000 diapositives chacun. On y voit des paysages, un jeune couple marié, un pique-nique entre amis au bord d’un lac, un jeune garçon sur son vélo, des enfants caressant un chien… On pourrait passer des heures à regarder ces moments de vie, sans artifices, qui ressemblent étrangement aux nôtres.
Sculpter son œil ou son corps, peu importe. Du pareil au même. Car plus qu’une pratique, ce qui était partagé ici est une vision du terrain et du vivre-ensemble. L’esprit collectif. Si on remarque que les personnes photographiées sont majoritairement des hommes, il n’est pas question du genre, mais du dépassement, de l’obstination, du gain de l’estime de soi et des autres. Quelle forme de communauté émerge de cela ? Quels en sont ses piliers ? Pour l’exprimer autrement qu’en images, la photographe emprunte les mots de Toni Morrison « l’amour comme respect sans motif ».
Plaquettes de chocolats, abdos saillants, muscles gonflés… Marine Peixoto fait, ce qu’elle appelle, de la photographie froide de sujets chauds. Un regard nouveau pour ces sportifs qui ont l’habitude de se prendre en photo avec leur smartphone et de poster instantanément sur les réseaux sociaux. Or les propriétés de l’argentique sont celles du temps long, du noir et blanc, du grain, du papier … une approche qui a déconcerté au début avant d’être largement plébiscité. Un regard original et inattendu, que Marine a su imposer par sa résilience et son talent et qui permet d’apporter une émotion, une intimité à ces scènes ; ressentis que l’on ne penserait pas forcément trouver auprès de ces barres de fer publiques.
Si l’on peut observer et ressentir la complicité entre les sujets et celui qui a décidé de les immortaliser ; une autre proximité se joue, avec nous, spectateurs. On est frappés par la simplicité, l’authenticité et l’universalité de ces photographies. En les sélectionnant et en les exposant, Lee Shulman, mêle à la fois son âme de collectionneur, monteur et réalisateur pour devenir, comme il le dit lui-même, un « storyteller ». Ce qu’il cherche avant tout c’est la transmission et le partage. Ainsi, pour lui, habiller « les murs de familles inconnues, c’est un miroir de nos vies, cela ramène à l’essentiel. Et l’essentiel dans l’art, c’est de faire ressentir des émotions. »
En permettant ce dialogue visuel direct et vrai, Lee Shulman interroge les relations humaines et la notion d’intimité, et ce faisant, favorise l’émergence de nouveaux narratifs ; celui que nous projetons sur ces photos, celui que nous sommes en train de vivre en les regardant, et celui que nous imaginons sur nos propres clichés. Peut-être dans cinquante, cent ans nos souvenirs seront visionnés par nos successeurs dans une immense galerie, virtuelle ? Qui sait quelle forme cela prendra le temps venu. En attendant, celle proposée par The Anonymous Project pour « Paris-Venise » reste à découvrir jusqu’au 24 avril au 9 rue de la Monnaie à Paris.
Si l’on peut observer et ressentir la complicité entre les sujets et celui qui a décidé de les immortaliser ; une autre proximité se joue, avec nous, spectateurs. On est frappés par la simplicité, l’authenticité et l’universalité de ces photographies. En les sélectionnant et en les exposant, Lee Shulman, mêle à la fois son âme de collectionneur, monteur et réalisateur pour devenir, comme il le dit lui-même, un « storyteller ». Ce qu’il cherche avant tout c’est la transmission et le partage. Ainsi, pour lui, habiller « les murs de familles inconnues, c’est un miroir de nos vies, cela ramène à l’essentiel. Et l’essentiel dans l’art, c’est de faire ressentir des émotions. »
En permettant ce dialogue visuel direct et vrai, Lee Shulman interroge les relations humaines et la notion d’intimité, et ce faisant, favorise l’émergence de nouveaux narratifs ; celui que nous projetons sur ces photos, celui que nous sommes en train de vivre en les regardant, et celui que nous imaginons sur nos propres clichés. Peut-être dans cinquante, cent ans nos souvenirs seront visionnés par nos successeurs dans une immense galerie, virtuelle ? Qui sait quelle forme cela prendra le temps venu. En attendant, celle proposée par The Anonymous Project pour « Paris-Venise » reste à découvrir jusqu’au 24 avril au 9 rue de la Monnaie à Paris.