March 10, 2024
Annie Ernaux et la Photographie
Text written by
© Marine Aubenas
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Extérieurs
Annie Ernaux & la Photographie
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Annie Ernaux & la Photographie
Maison Européenne de la photographie
MEP, Paris
Maison Européenne de la photographie
MEP, Paris
February 2
March 26, 2024
February 2
March 26, 2024
Deux femmes échangent à la terrasse d’un café à Paris. Des parentes ? À première vue non. L’une parle, avec entrain, tandis que l’autre écoute et feuillette des papiers. Une certaine intensité est palpable. Un livre est posé sur la table. Beauté de la France, et de ses cafés.
C’est ainsi que j’imagine la rencontre entre Annie Ernaux et Lou Stoppard, et le moment où la dernière exposa son projet de collaboration à la première. Un échange inattendu, réjouissant et émouvant, comme le dira elle-même Annie Ernaux ; qui, à 83 ans continue de voir la nouvelle génération s’emparer de son œuvre en proposant un regard neuf et rafraichissant dessus.
Car oui, si on ne présente plus Annie Ernaux, figure majeure de la littérature, nobelisée en 2022, on peut s’étonner de voir son nom à l’affiche d’une exposition à la Maison Européenne de la Photographie (MEP).
Deux femmes échangent à la terrasse d’un café à Paris. Des parentes ? À première vue non. L’une parle, avec entrain, tandis que l’autre écoute et feuillette des papiers. Une certaine intensité est palpable. Un livre est posé sur la table. Beauté de la France, et de ses cafés.
C’est ainsi que j’imagine la rencontre entre Annie Ernaux et Lou Stoppard, et le moment où la dernière exposa son projet de collaboration à la première. Un échange inattendu, réjouissant et émouvant, comme le dira elle-même Annie Ernaux ; qui, à 83 ans continue de voir la nouvelle génération s’emparer de son œuvre en proposant un regard neuf et rafraichissant dessus.
Car oui, si on ne présente plus Annie Ernaux, figure majeure de la littérature, nobelisée en 2022, on peut s’étonner de voir son nom à l’affiche d’une exposition à la Maison Européenne de la Photographie (MEP).
Deux femmes échangent à la terrasse d’un café à Paris. Des parentes ? À première vue non. L’une parle, avec entrain, tandis que l’autre écoute et feuillette des papiers. Une certaine intensité est palpable. Un livre est posé sur la table. Beauté de la France, et de ses cafés.
C’est ainsi que j’imagine la rencontre entre Annie Ernaux et Lou Stoppard, et le moment où la dernière exposa son projet de collaboration à la première. Un échange inattendu, réjouissant et émouvant, comme le dira elle-même Annie Ernaux ; qui, à 83 ans continue de voir la nouvelle génération s’emparer de son œuvre en proposant un regard neuf et rafraichissant dessus.
Car oui, si on ne présente plus Annie Ernaux, figure majeure de la littérature, nobelisée en 2022, on peut s’étonner de voir son nom à l’affiche d’une exposition à la Maison Européenne de la Photographie (MEP).
Le journal du Dehors
Le journal du Dehors
Le journal du Dehors
Pour le comprendre, il faut partir d’un de ses ouvrages écrit dans les années 1990, Le Journal du Dehors. Une centaine de pages qui relatent « des scènes, des paroles, des gestes d’anonymes » entre Paris et Cergy-Pontoise. C’est une vingtaine d’années plus tard que Lou Stoppard, curatrice et écrivaine britannique, découvre ce texte qui la fascine. Elle aime cette attention inhabituelle portée au réel, cette capacité à capter l’instant, à transcender l'éphémère. Alors en résidence à la MEP, en explorant la collection permanente de l’institution, elle fomente le projet de le mettre en relation avec les photographies qu’elle découvre. De discussions en discussions, l’idée se précise, s’épanouit et prend la forme qu’on lui connait aujourd’hui : Extérieurs – Annie Ernaux et la Photographie.
« Intérieur/extérieur », « Confrontations », « Traversées », « Lieux de rencontres », « Faire société » sont les cinq thématiques, chères à l’auteure, qui structurent cette exposition. S’y alternent des extraits de cette œuvre fondatrice, accrochées aux murs au même titre que 150 tirages de 29 photographes, parmi lesquels Marguerite Bornhauser, Harry Callahan, Claude Dityvon, Dolorès Marat, Daido Moriyama, Janine Niepce, Issei Suda, Henry Wessel, Bernard Pierre Wolff…
Une période d’obsession et de profusion pour cette artiste qui a réalisé plus de 5 000 clichés de ce lieu et de ceux qui le pratiquent. Parmi cette abondance d’images, plus de 150 ont été choisies pour l’exposition. Celle-ci se tient au Bal, qui a activement soutenu ce projet en lui attribuant le prix de la Jeune Création le Bal/ADAGP en 2021, et qui dévoile ce travail au long court, du 7 mars au 19 mai.
Une période d’obsession et de profusion pour cette artiste qui a réalisé plus de 5 000 clichés de ce lieu et de ceux qui le pratiquent. Parmi cette abondance d’images, plus de 150 ont été choisies pour l’exposition. Celle-ci se tient au Bal, qui a activement soutenu ce projet en lui attribuant le prix de la Jeune Création le Bal/ADAGP en 2021, et qui dévoile ce travail au long court, du 7 mars au 19 mai.
Une fascination pour le réel
Une fascination pour le réel
Une fascination pour le réel
Rien ne les lie à première vue, ni leur temporalité, ni leur localisation, si ce n’est cette fascination commune pour le réel. En effet, lors de cette balade narrative et visuelle, ce sont les différentes facettes de l’espace public et ses composantes que le visiteur est invité à voir : un espace multiple et complexe, fait de hasards, de moments éphémères, de grâce, et de violence. Des lieux traversés, une fois, mille fois ; des lieux de loisirs, de consommation et de rencontres ; celles des autres, qui révèlent stéréotypes, rapports de classe et de domination.
Rien ne les lie à première vue, ni leur temporalité, ni leur localisation, si ce n’est cette fascination commune pour le réel. En effet, lors de cette balade narrative et visuelle, ce sont les différentes facettes de l’espace public et ses composantes que le visiteur est invité à voir : un espace multiple et complexe, fait de hasards, de moments éphémères, de grâce, et de violence. Des lieux traversés, une fois, mille fois ; des lieux de loisirs, de consommation et de rencontres ; celles des autres, qui révèlent stéréotypes, rapports de classe et de domination.
Rien ne les lie à première vue, ni leur temporalité, ni leur localisation, si ce n’est cette fascination commune pour le réel. En effet, lors de cette balade narrative et visuelle, ce sont les différentes facettes de l’espace public et ses composantes que le visiteur est invité à voir : un espace multiple et complexe, fait de hasards, de moments éphémères, de grâce, et de violence. Des lieux traversés, une fois, mille fois ; des lieux de loisirs, de consommation et de rencontres ; celles des autres, qui révèlent stéréotypes, rapports de classe et de domination.
“Notre vrai moi n’est pas tout entier en nous”
Jean-Jacques Rousseau
“Notre vrai moi n’est pas tout entier en nous”
Jean-Jacques Rousseau
“Notre vrai moi n’est pas tout entier en nous”
Jean-Jacques Rousseau
« Notre vrai moi n’est pas tout entier en nous ». Cette citation intrigante de Jean-Jacques Rousseau ouvre l’exposition et nous interroge tandis que nous observons mots et images.
La photographie de Janine Niepce où un petit garçon pose son doigt sur la bouche de sa mère, la retranscription de la discussion entre une mère et sa fille dans un train, la traversée du Jardin du Luxembourg de Marie-Paul Nègre, les scènes de rues de Bernard Pierre Wolff, les visages anonymes des voyageurs du métro tokyoïte d’Hiro…
Du tableau polymorphe de la société qui émerge, c’est aussi l’intériorité des artistes qui se révèle. En faisant le choix d’immortaliser ces moments, on peut déceler ce qui a retenu leur attention et suscité leur intérêt. Comme le dit elle-même Annie Ernaux : « Je suis sûre maintenant qu'on se découvre soi-même davantage en se projetant dans le monde extérieur que dans l'introspection du journal intime. »
« Notre vrai moi n’est pas tout entier en nous ». Cette citation intrigante de Jean-Jacques Rousseau ouvre l’exposition et nous interroge tandis que nous observons mots et images.
La photographie de Janine Niepce où un petit garçon pose son doigt sur la bouche de sa mère, la retranscription de la discussion entre une mère et sa fille dans un train, la traversée du Jardin du Luxembourg de Marie-Paul Nègre, les scènes de rues de Bernard Pierre Wolff, les visages anonymes des voyageurs du métro tokyoïte d’Hiro…
Du tableau polymorphe de la société qui émerge, c’est aussi l’intériorité des artistes qui se révèle. En faisant le choix d’immortaliser ces moments, on peut déceler ce qui a retenu leur attention et suscité leur intérêt. Comme le dit elle-même Annie Ernaux : « Je suis sûre maintenant qu'on se découvre soi-même davantage en se projetant dans le monde extérieur que dans l'introspection du journal intime. »
« Notre vrai moi n’est pas tout entier en nous ». Cette citation intrigante de Jean-Jacques Rousseau ouvre l’exposition et nous interroge tandis que nous observons mots et images.
La photographie de Janine Niepce où un petit garçon pose son doigt sur la bouche de sa mère, la retranscription de la discussion entre une mère et sa fille dans un train, la traversée du Jardin du Luxembourg de Marie-Paul Nègre, les scènes de rues de Bernard Pierre Wolff, les visages anonymes des voyageurs du métro tokyoïte d’Hiro…
Du tableau polymorphe de la société qui émerge, c’est aussi l’intériorité des artistes qui se révèle. En faisant le choix d’immortaliser ces moments, on peut déceler ce qui a retenu leur attention et suscité leur intérêt. Comme le dit elle-même Annie Ernaux : “Je suis sûre maintenant qu'on se découvre soi-même davantage en se projetant dans le monde extérieur que dans l'introspection du journal intime.”
Et cela s’applique également à nous, visiteur. Car, chemin faisant, après regardé, analysé, réfléchi et interprété, c’est notre for intérieur que nous saisissons. Qu’est-ce qui m’a le plus parlé, touché, ému ? Pourquoi ? Ce faisant, on comprend que la connaissance de soi ne nait pas du détachement du monde mais d’une relation plus intime et réflexive avec ce dernier et ceux qui le compose.
Ainsi, en nous proposant cette observation du dehors, Lou Stoppard et Annie Ernaux nous invitent à un voyage essentiel, celui de notre intériorité.
Et cela s’applique également à nous, visiteur. Car, chemin faisant, après regardé, analysé, réfléchi et interprété, c’est notre for intérieur que nous saisissons. Qu’est-ce qui m’a le plus parlé, touché, ému ? Pourquoi ? Ce faisant, on comprend que la connaissance de soi ne nait pas du détachement du monde mais d’une relation plus intime et réflexive avec ce dernier et ceux qui le compose.
Ainsi, en nous proposant cette observation du dehors, Lou Stoppard et Annie Ernaux nous invitent à un voyage essentiel, celui de notre intériorité.
Et cela s’applique également à nous, visiteur. Car, chemin faisant, après regardé, analysé, réfléchi et interprété, c’est notre for intérieur que nous saisissons. Qu’est-ce qui m’a le plus parlé, touché, ému ? Pourquoi ? Ce faisant, on comprend que la connaissance de soi ne nait pas du détachement du monde mais d’une relation plus intime et réflexive avec ce dernier et ceux qui le compose.
Ainsi, en nous proposant cette observation du dehors, Lou Stoppard et Annie Ernaux nous invitent à un voyage essentiel, celui de notre intériorité.